L’ancienne médina de Fès abrite quelques 300 mosquées et médersas (Anciennes universités qui dispensaient un enseignement théologique).
Découvrir les mosquées de Fès est une rencontre au plus profond de la foi du Royaume Chérifien. Malheureusement, pour les non-musulmans, cette osmose spirituelle reste un voeu pieux.
Je vais donc dans ces quelques lignes vous emmener à la rencontre des mosquées dont j’ai eu le privilège fouler le sol.
LA ZAOUIA MOULAY IDRISS, UNE MOSQUEES DE FES UN PEU A PART
Ma mosquée préférée est la Zouia Moulay Idriss. Elle abrite le mausolée de Moulay Idriss II, fils du Saint Patron et fondateur de la ville de Fès.
Elle est l’une des destinations de pèlerinage les plus populaires du Maroc.
J’y apprécie ses zelliges colorés, son plâtre finement sculpté, et l’éclat de ses tapis rouges. Le tombeau se trouve au milieu de la pièce, sur laquelle s’ouvre directement l’une des portes d’entrée. On y rencontre souvent des femmes, les bras chargés d’encens et de bougies.

Tout ce rituel et cette mise en scène, en font un lieu, où les plus fervents sunnites ne prient pas. En effet, l’Islam sunnite ne reconnait pas de Saints et à fortiori, n’érige pas de mosquée à leur mémoire.
Pour ma part, cette ambiance a quelque chose de mystique, qui me rappelle l’atmosphère des églises catholiques, dont j’apprécie la quiétude et la paix spirituelle.
LA MOSQUEE DES ANDALOUS
La Mosquée des Andalous est située sur la rive droite de l’Oued Fès, à proximité de la médersa Sahrij. Elle doit son nom aux familles andalouses chassées de Cordoue par les Omeyyades, qui ont fondé le quartier des Andalous en 818.

Cette mosquée a été érigée en 859-860 sous la dynastie idrisside par une femme originaire de Kairouan, Mariyam al Fihriya. Elle n’est autre que la sœur de Fatima al Fihriya, fondatrice de la mosquée al Karaouiyine, l’autre grande mosquée historique de Fès.
Le bâtiment, modeste ne servait à l’origine que de simple oratoire avant de devenir progressivement une mosquée à part entière. La dynastie des Mérinides a adjoint une fontaine dans la cour intérieure ainsi qu »une bibliothèque. La mosquée a ensuite été rénovée sous les Alaouites par Moulay Ismaïl.
Le lieu, toujours en activité religieuse, est aujourd’hui un des multiples repères historiques de la ville de Fès.
LA MOSQUEE KARAOUIYINE: 12 SIECLES DE FASCINATION
Histoire de la Mosquée Karaouiyine
La Karaouiyine est un véritable joyau architectural, né de la volonté de Fatima Al-Fihria. Cette riche héritière de Kairouan en Tunisie qui a dédié son héritage aux fidèles de la ville de Fès.
Au XIIème siècle, les dirigeants almoravides agrandirent la Karaouiyine pour en faire la plus grande mosquée d’Afrique, avec une capacité de vingt mille fidèles. Elle l’est, d’ailleurs, restée jusqu’à la construction de la mosquée Hassan II à Casablanca dans les années 80.
Mosquée, université, bibliothèque, la Karaouiyine est tout en superlatif. Elle compte 270 colonnes formant 16 nefs de 21 arcs chacune et pas moins de 17 portes. Les plus emblématiques sont: la porte principale «Bab Chemmâine» (porte des ciriers, artisans fabriquant les bougies), «Bab El Houfat» (porte des pieds nus), ou encore «Bab El Ward» (la porte des roses).

Mon souvenir de la Mosquée Karaouiyine
Je dois avouer que ma première rencontre avec cette mosquée n’a pas été des plus apaisée.
Mais abstraction fait de mon expérience, relevant littéralement de la fable; il faut bien reconnaître que la mosquée est tout simplement à couper le souffle. La cour est l’une des plus belles qu’il m’ait été donné de voir, mais d’après mes souvenirs, l’intérieur est modeste, avec des murs blancs sans fin. Toutefois, les cours et la fontaine aux ablution sont dotées de stuck et de zelliges (mosaïques traditionnelles marocaines) d’une grande finesse.
LES MOSQUEES DE FES DANS MON JOURNAL DE BORD
Il n’y a aucune photos de mes premières pérégrinations dans les mosquées de Fès. Pourtant, elles auraient bien fallu une vidéo!
En 2008, alors Moulay, mon mari et moi-même, étions en voyage à Fès, pour le suivi des travaux de restauration de Mayfez. Ce jour là, j’ai écrit dans mon journal :
« Aujourd’hui, Moulay a décidé de visiter les principales mosquées de Fez: la Zaouia Moulay Idriss et la Karaouiyine. En somme, une visite spirituelle de la médina.
Je suis un peu angoissée. J’ai grandi au Maroc et je sais que les non-musulmans ne sont pas bienvenus dans les mosquées au Maroc… Me faire éconduire, ne me fait pas vraiment plaisir. Moulay tente de me rassurer « tu es la femme d’un « chérif », la mère d’un « chérif », tu rentreras, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. Je m’en charge.»
J’ai donc revêtu une tenue appropriée. Un ensemble pantalon et tunique longue en lin. Puis, j’ai glissé dans mon sac un carré Hermès. Nous avons, alors, déambulé dans les venelles entrelacées, en direction de Moulay Idriss.
A la découverte de la Zaouia Moulay Idriss
Le gardien à la porte des femmes me bloque le passage: « la mosquée est interdite aux non-musulmans ». Moulay échange avec le portier quelques mots en arabes et tout s’arrange. Je noue mon foulard sur mes cheveux, retire mes chaussures et emboite le pas à Moulay qui entre avec moi par la porte des femmes. Ce qui n’a l’air de choquer personne…
Une belle jeune femme en chemisier transparent blanc, jean blanc et longue tresse nous suit. A mon étonnement, elle ne porte ni foulard, ni tunique couvrante… La Zouia est décidément un endroit très atypique et franchement accueillant, me dis-je.
Le gardien, quant à lui, quitte son poste de contrôle à la porte pour nous conduire à travers une visite privée. Nous visitons les patios, les salles de prières, mais aussi les pièces fermées au public. Guider un descendant chérifien est clairement un privilège, pour le brave homme.
Nous quittons Moulay Idriss. J’ôte mon foulard.
En chemin, nous passons devant des échoppes de tissus, des tailleurs de djellabas pour hommes et des stands de caftans pour femmes.
En approchant la mosquée Karaouiyine, nous croisons des hommes poussant des chariots chargés de gros morceaux de nougat coloré. Des piles de nougat blanc, rose, bleu, vert. Tous se dirigent vers la mosquée, où ils stationneront le long des murs de Karaouiyine. Ils y resteront toute la journée pour vendre leurs douceurs aux croyants.
Arrivée à la Mosquée Karaouiyine
Comme je m’y attendais, le gardien me bloque l’accès. Mais Celui-ci n’est aimable du tout. Cette fois-ci, Moulay dois négocier plus durement et plus longuement pour obtenir un compromis. Il n’a que faire que je sois rentrée à Moulay Idriss. Moulay Idriss, ce n’est pas pareil. La Karaouyine, c’est le saint des saint. Je laisserai l’Imam de Moulay Idriss seul juge…
Finalement, le cerbère finit par céder… Je pourrais rentrer dans la mosquée Karaouiyine, à la condition que je revête une djellaba… Mais!… Je n’ai pas de djellaba, puisque je suis en pantalon. Qu’à cela ne tienne, le portier a une solution: je pourrai louer une djellaba. Justement, son cousin y tient une boutique…
Le loueur de djellabas
Nous voilà reparti. Nous longeons les arcades de Tala’a Kebira, puis prenons à gauche dans la kissaria, le grand souk couvert et plutôt moderne. Echoppes et étals de Caftans perlés, mdama brodées (grandes ceintures traditionnelles marocaines), babouches, fils de soie colorés, c’est le paradis de toute fashionista marocaine. Mais pas de djellaba simples et modestes en vu…
Moulay décide de s’adresser à un vendeur. C’est peine perdue. Les djellabas ne se trouvent pas ici. Mais ce n’est pas grave. Le vendeur est formel. Il loue souvent des caftans pour entrer à la Karaouiyine. Je suis sceptique… Force est de constater que ces tenues sont tout, sauf modestes…
Pourtant, Moulay insiste : «Je vais visiter le Karaouiyine et tu rentreras avec moi, ça deviens un question de principe». En fait, j’étais très motivée à l’idée de découvrir ce lieu emblématique. J’ai donc cédé…
Mon entrée dans la Mosquée Karaouiyine
C’est donc sous des milliers d’yeux perplexes et amusés que je suis retournée vers la mosquée de la Karaouiyine.
Le temps passant, les petites ruelles étaient devenues de plus en plus bondées. Les cent mètres menant à la Karaouiyine m’ont semblé interminables. Je riais moi-même de la situation cocasse dans laquelle je m’étais moi-même mise… Je voilà descendant Tala’a Kebira, affublée d’un caftan vert grannysmith, rebrodé d’or et d’un foulard en satin de polyester fabriqué en Chine.
À la porte d’entrée des femmes de la mosquée Karaouiyine, le portier me semble ricaner, mais il me laisse entrer sans commentaire. A ce moment là, la plupart des fidèles ont arrêté leurs activités pour m’observer… Certains ont bien failli glisser dans la fontaine alors qu’ils lavaient leurs pieds, d’autres ont cessé leurs conversations, d’autres ont levé les yeux du Coran qu’ils lisaient.
Je me suis sentie stupide et embarrassé, mais j’étais ici, dans l’antre de la célèbre Karaouiyine, me demandant ce que Fatima Al-Fihria aurait pensé de la situation.
Décidément, ma rencontre avec la Karaouiyine relève plus de la fable que du recueillement spirituel.
visite de la mosquée Karaouiyine
Cependant, le portier semble content. Son cousin, quant à lui, a très probablement fait une bonne affaire en louant à la « gaouria » (la française) une djellaba pour 50 dirhams.
Devenu, désormais, amical, le portier, dans un élan de foi, décide de gratifier le « chérif et son épouse » d’une visite privée. Ainsi, j’ai parcouru toutes les cours et toutes les salles de la Karaouiyine, même celles qui sont habituellement fermées au public. J’ai donc le privilège d’avoir pu voir l’horloge hydraulique presque millénaire. Mais pourquoi, diable, ces pièces de musées, sont elles conservées, religieusement, à l’abris des regards?… Du reste, il en est de même pour les manuscrits de la bibliothèque de la Karouiyine…
Toute ma visite de la Karaouiyine s’est déroulée sous les gloussements et les regards déconcertés des fidèles.»
C’est une anecdote mais qui m’a, cependant, laissé un goût amer. Je suis heureuse d’avoir pu effectuer cette visite de la Karaouiyine, pourtant, en 15 ans, je n’y suis jamais retournée.
Suite à cette expérience, je suis partie en quête de la spiritualité de Fez, en dehors des lieux de prières. Je n’ai du reste jamais pensé que spiritualité devait rimer avec prière et sacralité.
Finalement, j’ai rapidement trouvé et compris la spiritualité de Fès. Une spiritualité plus profonde et plus accessible, celle qui est contenue dans l’âme de la ville, dans les vibrations qui en émanent et dans la simplicité quotidienne; une spiritualité que l’on ressent à tout coin de rue.
Je vous emmène donc à la découverte de Fès la séculière.