Si vous préparez un voyage à Fès, le complexe de la Karaouiyine ne vous est certainement pas inconnu.
La Karaouiyine a été construite par une femme. Fatima Al-Fihria, riche héritière de Kairouan en Tunisie qui a dédié son héritage aux fidèles de la ville de Fès.

Fatima Al-Fihria voulait, en outre, autour de la mosquée, un lieu dédié aux études islamiques et laïques. Elle a donc ordonné, en même temps que la mosquée, la construction de l’une des premières universités du monde.

LA MOSQUEE DE LA KARAOUIYINE

La mosquée de la Karouiyine est un monument incontournable de la médina de Fès. L’édifice est colossal. De presque toutes les terrasse de la médina vous pourrez apercevoir ses interminables toits de tuiles vertes et son petit minaret blanc surmonté d’une coupole, sobre et modeste.

En savoir plus sur l’histoire de la mosquée de la Karaouiyine et suivre les pérégrinations de ma première découverte de la Karaouiyine, il y a 20 ans.

L’UNIVERSITE KARAOUIYINE: 12 SIECLES DE SAVOIR

Erigée il y a environ douze siècles, la Karaouiyine fournissait, aux garçons seulement, un enseignement en théologie, droit, philosophie, mathématiques, astrologie-astronomie et sciences du langage. Elle a vu passer sur ses bancs les plus grandes figures intellectuelles, religieuses et littéraires du monde arabe. Entre autre, le médecin et savant Ibn Rochd (Averroès), le philosophe juif Maïmonide, ou encore l’illustre historien et philosophe Ibn Khaldoun. Des personnalités importantes du monde occidental ont également été formées au sein de ce joyau, considéré comme la plus ancienne université encore en activité avec l’université de Bologne. Ainsi en est-il du pape Sylvestre II (999-1003).

Mais au delà de la notoriété de ses étudiant, en 1207, l’Université de la Karaouiyine a délivré le plus ancien diplôme en médecine au monde. Intitulé Ijaza (certificat ou licence), le diplôme a permis à Al Koutami de pratiquer la médecine humaine et vétérinaire. Il est ainsi devenu le plus ancien étudiant en médecine au monde. 

Aujourd’hui, L’université est toujours en activité. Toutefois, son enseignement est désormais dispensé dans des bâtiments autour de la médina. Par ailleurs, le spectre de ses cours a été réduit. Les études y sont, désormais, principalement orientées vers la religion, la littérature, le droit islamique et, dans une moindre mesure, les langues.

Face à l’Université de la Karaouiyine, la Place Seffarine. L’endroit le plus bruyant de la médina. Les dinandiers -artisans du cuivre- passent leur journée à frapper des morceaux de cuivre. C’est ainsi que saucières, poêles, bassines et autres chaudrons sont fabriqués aux portes de l’antre du savoir et de la culture de Fès.

Place Seffarine en face du complexe de la Karaouiyine - Fès - Maroc
Place Seffarine en face du complexe de la Karaouiyine – Fès – Maroc

Pourquoi, Diable, ont-ils, spécifiquement, choisi d’installer cette activité bruyante, en face de la porte d’une bibliothèque universitaire ?

Je ne suis pas la seule à me poser cette question

LA BIBLIOTHEQUE KARAOUIYINE

Une bibliothèque aux trésors inestimables

Quelques 40.000 parchemins, manuscrits et autres documents ont été rassemblés dans la bibliothèque de la Karaouiyine depuis sa création. Des œuvres de référence en matière scientifiques et historiques d’une valeur inestimable. La bibliothèque abrite également des manuscrit, sauvés des flammes des autodafés qui ont sévis dans l’Europe du Moyen Age.
Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, la bibliothèque Karaouiyine n’est pas ouverte au public ! Du reste, jusqu’à très récemment, les manuscrits étaient même laissés à la merci des rats et des infiltrations d’eau…

La restauration de la bibliothèque

Ainsi, il y a dix ans, l’annonce de la restauration de la bibliothèque de la Karaouiyine m’avait provoqué un véritable enthousiasme. Grace à ce programme de réhabilitation, entamé en 2014, les recueils sont désormais accessibles aux chercheurs et étudiants, via un catalogue en ligne. 

Cependant, la bibliothèque demeure désespérément fermée au public.

Combien de fois n’ai-je pas demandé au portier s’il était possible de rentrer ? Sans succès. La réponse est toujours la même… « c’est fermé et il n’y a rien à voir que de vieux livres…» Mais justement, c’est des vieux livres, que je voudrais voir… Mais à quoi bon argumenter… même s’il est posté à la porte d’une bibliothèque, un âne reste un âne.

En 2017, juste après la rénovation de la bibliothèque, nous avons accueilli, à Mayfez, un ancien Premier Ministre Belge. Avec l’engagement de notre guide, nous avons réussi à organiser une visite privée. Malheureusement, et si ce monsieur n’avait pas été qui il était, il n’aurait probablement jamais eu le privilège d’entrer dans le sanctuaire. Il nous a raconté sa visite et son enthousiasme. Il a pu approcher quelques manuscrits. Cependant, les plus emblématiques restent à l’abris des regards.
J’en finis par me demander si ces manuscrits n’ont pas terminé dans l’estomac d’un rat érudit…

En fait, non. Les manuscrits existe bien. Mais c’est à Paris qu’il fallait se rendre pour les voir au printemps 2017.

« Splendeurs de l’écriture au Maroc, Manuscrits rares et inédits »

Tel était le nom de l’exposition exceptionnelle qui s’est tenue au printemps 2017 à l’Institut du Monde Arabe de Paris.

Parmi les manuscrits, prêtés entre autres par la Bibliothèque Royale du Maroc, les Bibliothèques de la Quaraouiyine et de Ben Youssef, des pièces exceptionnelles, jamais vues du public.

Ces manuscrits marocains témoignent de l’islam des lumières au Moyen Âge et de la grande tradition du livre au Maroc. Ils montrent, d’une part, combien l’Islam a joué un rôle fondamental dans la préservation de la culture alors menacée par les autodafés en Europe. D’autre part, ils sont le criant témoignage de la contribution des musulmans au développement des sciences.

Ce rôle fondamental des musulmans dans l’histoire du monde Arabe et du Maroc en particulier, me semble d’une importance culturelle primordiale qui mérite mieux que de laisser dormir ces oeuvres sur les rayonnages de bibliothèques feutrées. En fait, je comprends fort bien que ces manuscrits inestimables ne soient pas feuilletables de tout un chacun. Toutefois, on aimerait, au moins, qu’ils soient offert au regard de tous. Au pays du « plaisir des yeux », c’est le minimum que l’on puisse attendre, me semble-t-il… 

Finalement, la visite spirituelle de Fès pourrait bien avoir un goût amer. A moins que… Peut-être, je puisse vous convaincre de la transcendance spirituelle de Fès, celle qui se révèle au-delà de ces absurdes incohérences dogmatiques. Suivez-moi dans ma quête spirituelle