Nombreux sont nos visiteurs curieux de connaître les étapes de restauration de riad Mayfez. Restaurer un riad est clairement une expérience de vie en soi.

Ainsi, Mayfez et moi c’est plus qu’une étape de vie, c’est toute une histoire. De la joie, de la colère, des rires, des larmes et surtout beaucoup de passion.

Pendant plus de 6 ans à temps plein, puis chaque été, sans exception, nous prenons soin de notre palais.

Après l’avoir récupéré au bord de la ruine, nous l’avons étayé, restauré, puis paré, pour lui restituer sa grandeur et sa beauté d’autrefois.
Depuis, nous veillons à la maintenir en bonne santé, à coup de traitements de choc et de cures récurrentes. Il faut bien reconnaître que la vieille dame est exigeante.

Première rencontre avec Mayfez

La réalité, c’est que nous avons été transportés dès la première fois où nous avons pénétré la porte du riad.
« Tu vois, ici où nous sommes assis, c’est la place de la piscine. Je la verrai bien noire, ce serait très tendance. » C’était donc ainsi, que venant à Fès pour le tourisme, nous sommes repartis avec un projet immobilier et pas des moindre…

Ce projet fou venait de naitre au milieu d’un jardin aux fontaines assèchées, envahi par les mauvaises herbes et entourés de batiments abandonnés, aux façades décrépies.
Pourtant, au vu de l’état des lieux, il aurait fallu se rendre à l’évidence, que les bâtiments étaient en si mauvais état, que nous devrions nous préparer à bien des imprévus…

Façade décrépie de Riad Mayfez avant restauration
Façade décrépie de Riad Mayfez avant restauration

Acheter et restaurer un riad au Maroc

D’une part, acheter en médina c’est expérimenter la lourdeur administrative marocaine.
D’autre part, c’est découvrir la complexité du droit de propriété.
En effet, la médina est encore régie par le droit médiéval coutumier et les maisons ne sont pas titrées.
Nous vous passerons les trente plaintes de voisinage, les procès et autres intimidations auxquels nous avons dû faire face avant d’obtenir le titre foncier de Mayfez. Au total, huit longues années de procédures.

Conceptualiser un projet pour restaurer un Riad

A Mayfez, les plans du premier architecte ont constitué la première déconvenue.
Avec un patio recouvert de pelouse et des terrasses transformées en espaces d’étandage pour le linge, on était à des années lumière du glamour que nous nous étions imaginé ! Mais, ne connaissant personne à Fès, nous avions poussé la porte du premier architecte et force est de constaté que le talent créatif n’est pas offert avec le diplôme…

Nous avons jeté aux ordures nos premier plans. Puis, nous nous sommes mis en quête d’une équipe d’architectes capables de comprendre et donner corps à nos attentes.
Au total, une architecte structure, une architecte d’intérieur et une paysagiste ont œuvré à la restauration de Mayfez.
Si cette équipe exclusivement féminine a su rendre la copie parfaite qui a constitué le plan actuel de Mayfez, en revanche, les sondages sur la structures existante se sont révélés peu encourageants…

Les travaux à Mayfez

Une structure au bord de l’effondrement

La Villa Art Déco de 1910 n’a pas présenté de problème majeur. Cependant, les ailes traditionnelles étaient clairement instables.
La structure malsaine de l’aile qui accueille l’actuelle suite Palmyre menaçait tout bonnement de s’effondrer. Nous avons dû procéder à la pose de deux IPN pour maintenir la stabilité de la façade.

Des matériaux ancestraux pour restaurer un riad dans les règles de l’art

Si les IPN ont été indispensables pour assurer la sécurité d’une partie de la structure, nous avons procédé à la la plus grand partie des travaux de restauration en respectant les technologies d’autrefois.
Non pas par dogmatisme mais par pragmatisme scientifique.

L’amplitude thermique très importante à Fès impacte de façon très différente les matériaux. De fait, les matières naturelles ancestrales tels que la chaux et le pisé réagissent et bougent de manière différente que les matériaux modernes. Il était donc indispensable de ne pas mélanger les technologies.
Ainsi, les toits en terrasse ont tous été restaurés à l’ancienne avec des poutres porteuses en cèdre. L’espace entre les poutres est comblé par un mille-feuilles de fines planche de cèdre et de torchis. Puis, le tout, est recouvert d’un mélange à base de ciment et de chaux.

Plancher traditionnel
Plancher traditionnel

Organiser des travaux sans accès voiture

Mayfez se situe dans une ruelle non accessible par des véhicules motorisés. L’ensemble des travaux a donc dû être réalisé à dos d’ânes et d’hommes.

Excavation des caves et de la piscine
Excavation des caves et de la piscine


Caves et piscines ont été creusées à bras d’homme à l’aide de simples pelles. L’évacuation des gravas de la piscine seulement a nécessité pas moins de 1200 sacs de gravas de cinquante litres, sans compter les caves, couloirs et fondations d’une nouvelle aile qui n’existait pas à l’origine.
C’est ainsi que chaque nuit, pendant presque deux ans, une demi douzaine d’ânes effectuaient quelques 200 trajets pour évacuer les gravats du chantier de Mayfez.

Livraison des plantes du jardin
Livraison des plantes du jardin

Une ruche d’artisans pour restaurer un riad

Pas moins d’une cinquantaine d’ouvriers ont travaillé en même temps sur le chantier de Mayfez.

"Zleiji", artisan qui découpe et pose les mosaïques
« Zleiji », artisan qui découpe et pose les mosaïques
"Gebbas": Artisan sculpteur de plâtre
« Gebbas »: Artisan sculpteur de plâtre

Le bar actuel était l’atelier du menuisier. L’odeur du cèdre embaumait.
Le zlejji (artisan de la mosaïque) était installé dans l’actuel salon des miroirs et oeuvraient au soleil dans le patio les beaux jours de printemps.
Les sculpteurs de plâtre étaient les plus nombreux. Ils avaient entreposé leur matériel dans l’actuel salon rouge. Les arcades le long du bassin ont nécessité pas moins de 6 mois de travail à trous personnes.
La salle à manger était le lieu de stockage des marbriers. Ils ont posé pas moins de 1000 m2 de marbre, pierre et granito.

Pour une vidéo des travaux de restauration nous vous invitons à visiter notre page Facebook.

Vivre sur un chantier

Alors que la dernière année nous avions emménagé sur le chantier pour être au plus près des finitions, nous étions au coeur de l’activité.
Comme l’électricité du jardin n’avait pas été posée, nous devions nous guider à l’aide d’une lampe de poche une fois la nuit tombée.
Le matin, du balcon de l’actuelle suite Lalla Tam, nous assistions aux aller et venues des ouvriers. Après déjà presque cinq ans de restauration nous n’en voyions plus la fin.

Le patio était un spectacle de désolations où la piscine restait un immense trou béant.
Les sacs de gravats continuaient de s’entasser et le bruit des meules et polisseuses nous était devenu insupportables.

Puis vinrent les premiers test…

L’ouverture des vannes et… la découverte des premières malfaçons… les fuites dans certains murs.

Casser, réparer, recommencer.

Le marbrier était pressé de finir. Voilà qu’il pose les plinthes. Une plaque de un mètre, une de quarante centimètres, une de quinze. Devant mon étonnement, il se justifie. « C’est ce que j’ai. C’est pas grave, ça ne se verra pas ». J’empoigne un maillet, je casse… « C’est cassé maintenant. Il faut refaire ».

On recommence, encore et encore.

Pendant ce temps le zleiji achève le montage de ses mosaïques. Il travaille directement sur le marbre posé, sans protection. «C’est pas grave on lavera après »… Mais on ne lave pas et le ciment durcit. On ponce le marbre pour une seconde fois.

Et l’emménagement…

De même rentrer meubles et arbres a été le fruit d’une savante maitrise des contraintes en terme de mesures et d’utilisation des angles et des espaces.

Ainsi, aucun arbre de plus de 3,5 m racines comprises ne pouvait rentrer par l’étroitesse de l’impasse. Nous avons dû hisser le long des façades extérieures, tout ce qui était plus grand, puis, les redescendre de l’autre côté, à l’intérieur du patio. C’est ainsi que les transats ronds et le rideau de sécurité de piscine de 7 mètres de long ont trouvé leurs place.

Finalement nous avons terminé le chantier en hiver 2011. Des mois de ménage ont suivi. En fait, aucun artisan n’a respecté le travail de l’autre. De fait, des tâches de ciment et de colle sont visibles un peu partout.

C’est à la fine brosse en métal que nous finirons le ménage. Durant cinq mois éreintant, à genoux, avec brosse de cuivre et acide chlorhydrique, nous avons récuré ! Ma vie de palais commençait en mode Cendrillon et je dois bien avouer que se n’était pas ainsi que je m’étais imaginé les choses.

La fuite … et le retour.

A l’été 2012, nous avons une overdose de chantier, de médina, de tout…

Nous partons nous installer à Zürich. Le calme et la sérénité Suisse nous permettra de nous reconstruire.

C’est en automne 2016 que je reviens finalement pour ouvrir le riad et accueillir des hôtes.

Toutes les finitions, détails et autres travaux d’amélioration tel que le double vitrage, le chauffage de la piscine, le hammam et l’aménagement des terrasses ont été fait après 2016.

Finalement, Mayfez a occupé une grande partie de notre vie et mobilisé beaucoup de notre énergie. Aujourd’hui nous vivons, enfin, notre vie de riad et sommes heureux de partager avec nos hôtes notre passion et le charme de la vie de palais.