Toutes les villes impériales du Maroc regorgent de Palais plus ou moins grandioses. Cependant, la médina de Fès abrite certainement, les plus somptueuses.

Un millier de palais et riads plus ou moins grandioses, se dérobent dans ce labyrinthe de venelles, enserrées entre les murs des maisons, rarement percés de fenêtres. Rien ne laisse augurer que ces façades austères cachent du regard indiscret, des Palais d’exception.

DES RIADS ET PALAIS DE FES, ABANDONNES OU SQUATTES

Les rues étroites des quartiers de Douh, Zerbatana et Ziat, cachent d’immenses palais et riads du XIXe et du début du XXe siècle, Mayfez, autrefois Palais Tazi, est l’un d’entre eux. Pour connaître son histoire et savoir comment on y vit aujourd’hui, cliquez (lien vers « le vie dans un Riad »).

Patio délabré du Palais Ababou - Médina de Fès - Maroc
Patio délabré du Palais Ababou – Médina de Fès – Maroc

Les héritiers de ces illustres familles nobles ou bourgeoises, à l’origine de ces résidences, ont depuis longtemps abandonné les lieux pour migrer vers des destinations plus prometteuses.
Certaines ailes sont, pourtant, encore occupées, ou plus précisément squattées par des parents pauvres, plus ou moins éloignés. Les actuels occupants sont souvent nés de liaisons secrètes, d’union réprouvées avec d’anciens domestiques ou encore descendants d’esclaves affranchis. Ce qui leur octroie une certaine légitimité à occuper les lieux

Nombre d’entre eux rêveraient de quitter leur squat pour rejoindre les tours de logements sociaux aux abords de la ville. Un rêve qui peut sembler fous. Toutefois, riche de mon expérience de restauration, j’avoue que je les comprends un peu.

Patio et façade du Riad Laraqui (ex- Tazi) avant de devenir Mayfez - Médina de Fès - Maroc
Patio et façade du Riad Laraqui (ex- Tazi) avant de devenir Mayfez – Médina de Fès – Maroc

Outre les squatteurs, le statut d’indivision de ces bâtisses en rend la vente compliquée. Ainsi, le nombre colossal d’héritiers et les querelles familiales finissent simplement par rendre les ventes impossibles. A titre d’exemple, le nombre d’héritiers du Palais Glaoui est estimé à plus de trois-cents !

Malgré tout, la grandeur passée, y reste palpable même si certains sont, aujourd’hui, très délabrés. Il est donc, malheureusment, à craindre que ces Palais et Riads ne soient destinés à définitivement disparaître.

PALAIS, RIAD OU DAR ?

Pour en savoir plus quant aux différents types architecturaux, je vous invite à consulter notre article consacré aux Riads.

PALAIS DE FES: LE PALAIS MNEBI

Le Palais Mnebi fait parti du circuit touristique classique de la visite de la médina.
C’est le palais que vous pourrez le plus facilement visiter.
Situé Talaâ Sghira, exploité aujourd’hui comme restaurant, il était, du temps du protectorat, la résidence du Maréchal Lyautey.
C’est un beau spécimen d’art traditionnelle, mais, je le trouve chargé, sans âme, et personnellement, il ne me procure aucune émotion.

PALAIS DE FES: LE PALAIS GLAOUI

Le Palais Glaoui, dans le quartier de Ziat, est immense. Pourtant, avec ses 13 000 m2 il n’occupe que la seconde place dans la hiérarchie des Palais de Fès. En terme de superficie, il se classe loin derrière le Palais Mokri qui en compte 20 000m2. Son patio principal aurait pu accueillir trois, si ce n’est quatre courts de tennis. Enfin, il ne compte pas moins de douze maisons et annexes.

Salon d'apparat et fenêtre sur cour du Palais Glaoui - Médina de Fès - Maroc
Salon d’apparat et fenêtre sur cour du Palais Glaoui – Médina de Fès – Maroc

L’histoire du Palais Glaoui

Vers la fin du XIX°s., Thami el Glaoui devint l’un des membres les plus puissants de la famille, restant même l’homme fort du sud du Maroc sous la domination du protectorat français au XX°s. Après l’indépendance du Maroc, en 1956, Thami El Glaoui, trop proche des Français, tombe en disgrâce. Ses biens ont été saisis, ses palais abandonnés, puis, plus tard, restitués.

La légende entourant le Palais

La légende veut que les garages contiennent une vieille Rolls Royce, autrefois offerte par Churchill ou la Reine d’Angleterre, je ne sais plus.

En raison des construction récentes qui se sont rajoutées autour du palais, la voiture s’y trouve à jamais bloquée. Je n’ai jamais pu visiter ces garages, ni les jardins, et ne connais personne qui ait pu avoir cette chance. Cette Rolls restera donc une légende, à moins que vous ne trouviez les arguments pour convaincre le gardien actuel du Palais de vous ouvrir les garages… Si vous y parvenez, faites le nous savoir, on est curieux…

Que voir au Palais Glaoui?

Outre une salle de bain art déco encore dans son jus original et une cuisine d’époque absolument fascinante, vous pourrez admirer les peintures d’Abdelkader.

Cuisine du Palais - Glaoui - Médina de Fès
Cuisine du Palais – Glaoui – Médina de Fès

En effet, le Palais Glaoui est aujourd’hui gardé par un artiste peintre pointilliste, qui expose dans les salons du patio central. Cela confére au Palais un petit côté squat d’artiste, qui n’est pas déplaisant.

Du reste, j’aime beaucoup de style d’Abdelkader, à la fois moderne et authentique. Il me semble trouver chez lui, ce petit quelque chose qui fait la différence et fait de lui un artiste digne de ce nom.

Le Palais Glaoui est malheureusement très détérioré et fait peine à voir. Toutefois, sa splendeur, reste palpable et il en émane une nostalgie certaine.

A mon sens, il est un incontournable.

PALAIS DE FES: LE PALAIS MOKRI

Dans un bien meilleur état, le grand Palais Mokri de Ziat, est à quelques pas du Palais Glaoui. Une splendeur d’art arabo mauresque et du meilleur de l’industrie du luxe européenne.

Patio du grand Palais Mokri - Médina de Fès - Maroc
Patio du grand Palais Mokri – Médina de Fès – Maroc

Les Mokri, une famille influente

Il y a dans la médina de Fès plusieurs Palais ou Riad Mokri car cette illustre famille de Vizir se plaisait à vivre dans la médina. Vous pourrez trouver quelques lignes sur l’histoire des Mokri, dans le magasine marocain Zamane.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, toutes les propriétés de la famille sont reliées entre elles par des kilomètres de souterrains.

Le Palais d’origine du Vizir ne se visite plus depuis qu’il a été vendu, il y a plus de quinze ans pour un projet hôtelier qui n’a jamais vu le jour.

Toutefois, le grand Palais Mokri qui est la plus grande propriété de la médina, occupant plus de 20 000 m2, peut se visiter sur demande. Le Palais Mokri ne fait pas parti des visites conventionnelles. Cependant, la famille El Mokri a ré-ouvert les portes du Palais à un public d’initiés. Youssef, l’arrière-petit-fils Mokri guide la visite et n’est pas avare d’anecdotes. On est ici, au coeur de l’histoire.

Une architecture exceptionnelle

Avec le Palais Ababou, le grand Palais Mokri constitue un des lieux qui m’a le plus émus. Je ne me lasse pas d’y retourner et c’est souvent la gorge nouée que j’en ressors. Désespérée de constater, à chaque visite, que les affres du temps poursuivent inlassablement leur œuvre destructrice sur cette bâtisse d’exception.

Joyau du patrimoine marocain construit dans les années 1910. Il fait la part belle au savoir-faire artisanal local et au meilleur de l’industrie du luxe européenne. Les ferronneries viennent d’Angleterre, l’escalier Art Déco est une pure merveille, les vitraux et les quelques lustres qui n’ont pas été volés, ont été confectionnés à Murano, alors que le savoir-faire syrien a été mis à contribution pour le salon de musique.

Un gouffre financier pour la famille

Ici, les murs parlent des grands hommes qui ont jalonné l’histoire internationale et qui ont foulé les zelliges du patio et les marbres des salons.

Intérieurs du Palais Mokri – Médina de Fès – Maroc

J’aime me laisser emporter par les histoires de familles, joliment comptées par Youssef. Il ne se rabaissera pas à vendre un ticket d’entrée, mais un billet sera le bienvenu pour contribuer aux charges d’entretien de la demeure.

Il est inutile de préciser que l’entretien d’une telle demeure – 20 000 m2 au sol dont 6 000 m2 bâtis- n’est pas évident. Arroser les zelliges afin d’éviter qu’ils n’éclatent sous le soleil brûlant d’été, entretenir les boiseries, et bien d’autres choses encore, demandent des moyens colossaux.

Une demeure plébiscitée par le Septième Art

Pour se faire, la famille El Mokri accueille des réceptions et des tournages de films. Du « Joyau du Nil» avec Michael Douglas, à «L’homme qui valait des milliards» de Michel Boisrond, en passant par «Hécate» de Daniel Schmidt. 

Pour compléter leur décor, les réalisateurs font restaurer les parties qui les intéressent. En contrepartie, les propriétaires mette le Palais à disposition gracieusement.

Un arrangement pas forcément l’idéal, mais qui a le mérite de sauver ce Palais, pour le moment, au moins.

PALAIS DE FES OUBLIE: PALAIS, DAR ABABOU

Je voudrais finir avec mon Palais favori.

Situé à quelques mètres de Mayfez, il est fermé au public. Cependant, à Mayfez, nous parvenons, parfois, à le faire ouvrir, moyennant quelques dirhams et la présence de son gardien.

La première fois que je suis rentrée dans le Palais Ababou, j’en ai eu les larmes aux yeux. C’est dire.

palais Ababou
Palais Ababou – Ancienne Médina Fès _ Maroc.

L’architecture du Palais Ababou

Le Palais Ababou est un mélange d’Art Nouveau et d’art arabo-andalous, sans pareil au Maroc. Il se compose d’un bâtiment moderne étrangement européanisé et d’une aile traditionnelle moins originale, mais superbement ouvragée. Malheureusement, l’aile du Palais mauresque est considérablement dégradée.

Des colones de marbre gigantesques se dressent le long des pièces entourant le patio de l’aile moderne. Du reste, on peut se demander, comment ses colonnes de 7 mètres, taillées dans un seul bloc de marbre ont été portées à travers les rues de la médina.

Par ailleurs, ses encorbellement de balcons sont uniques au Maroc, de même que la varié et l’originalités des huisseries.Il faut remarquer l’extrême modernité de ses baies vitrées coulissantes.

Enfin, La finesse de son plâtre sculpté n’est comparable à aucun autre, si ce n’est peut-être celui de la Medersa Bouanania.

Un Palais en perdition

De la terrasse panoramique de Mayfez, nous pouvons encore admirer ce qu’il reste des anciennes verrières posées sur les terrasses. Il n’y a pas une fois où, déambulant sur le roof top Mayfez, je ne me suis pas arrêtée pour les admirer. C’est un peu comme si je devais en faire le plein tant qu’elles sont encore là.

J’ai déambulé tant de fois dans les couloirs de Dar Ababou qu’il me semble les connaître tous. Pourtant, j’éprouve chaque année le besoin de lui rendre visite, de m’assurer qu’il résiste. Ses murs me parlent comme un vieil ami, ils me crient leur détresse que personne ne semble vouloir entendre. Et j’aimerais que la famille Ababou, si elle devait lire ces quelques lignes, prennent conscience de ce bijou. Je voudrais juste leur dire de pas le laisser périr.

Alors, oui, si je le pouvais, je les rénoverais tous, car ils sont le symbole vivant de ce que l’homme est capable de réaliser, mais pour combien de temps encore…